Le droit de demander des formules souples de travail est consacré par le législateur fédéral pour le secteur public

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Depuis le 10 novembre 2022, la loi permet aux employeurs et aux travailleurs auxquels la convention collective de travail n° 162 ne s’applique pas de demander une formule souple de travail. Les travailleurs contractuels du secteur public sont concernés par ces dispositions légales.


Ce 31 octobre 2022, la loi transposant partiellement la Directive européenne du 20 juin 2019 concernant l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée des parents et des aidants est parue au Moniteur Belge. Le chapitre 6 de cette loi est dédié au droit de demander une formule souple de travail.

Le champ d’application de ce chapitre de la loi est toutefois restreint : il ne s’applique pas aux employeurs et aux travailleurs liés par un contrat de travail qui relèvent du champ d’application de la convention collective de travail n° 162.

Pour le secteur privé, c’est donc la convention collective de travail conclue au sein du Conseil national du travail qui s’applique et qui remplace le régime prévu par la loi.  

Pour les employeurs du secteur privé, vous pouvez consulter notre article paru le 14 octobre 2022.

La loi s’applique uniquement aux employeurs et aux travailleurs liés par un contrat de travail qui ne sont pas soumis à la loi du 5 décembre 1968 sur les conventions collectives et les commissions paritaires. Par conséquent, la loi est applicable pour les contractuels du secteur public. En effet, la loi ne se réfère qu’aux travailleurs et aux employeurs liés par un contrat de travail. Les statutaires n’étant pas liés à l’employeur par un contrat de travail, ils ne sont pas visés par la loi.

La loi précise que les dispositions du chapitre 6 ne sont pas applicables aux demandes de travailleurs effectuées dans le cadre de dispositions légales, réglementaires ou conventionnelles prévoyant un droit à un aménagement des modalités de travail existantes du travailleur ou dans le cadre d'autres dispositions légales prévoyant le droit de demander un tel aménagement. 

1. Qui a le droit de demander une formule souple de travail ?

Un travailleur qui, au cours des 12 mois précédant sa demande de formule souple de travail, a été lié à son employeur par un contrat de travail durant 6 mois, a le droit de formuler une telle demande.

Dans le cadre du travail intérimaire, l’utilisateur du travailleur intérimaire est considéré comme l’employeur.

2. Dans quel but le travailleur peut-il demander une formule souple de travail ?

Le travailleur peut introduire une demande de formule souple de travail dans le but de s’occuper d’un proche, c’est-à-dire :

  • s’occuper d’un enfant jusqu’à son 12ème anniversaire en raison de sa naissance ou de son adoption ;
  • octroyer des soins personnels ou une aide personnelle à un membre déterminé du ménage (toute personne qui cohabite avec le travailleur) ou de la famille (le conjoint ou la personne avec qui le travailleur cohabite légalement au sens des articles 1475 et suivants du Code civil ou les parents du travailleur jusqu’au 1er degré) qui nécessite des soins ou une aide considérables pour une raison médicale grave.

La limite d’âge de 12 ans est portée à 21 ans lorsque l’enfant est porteur d’un handicap.

La condition de l’âge doit être satisfaite au plus tard pendant la période de formule souple de travail.

Le travailleur fournit, au plus tard au moment où débute la formule souple de travail, le ou les documents de preuve à l’appui du but invoqué. Dans le cas où la demande est introduite en vue de fournir des soins personnels ou une aide personnelle à un membre du ménage ou de la famille nécessitant des soins ou une aide considérables pour une raison médicale grave, la preuve en est fournie au moyen d'une attestation délivrée par le médecin traitant du membre du ménage ou de la famille concerné au plus tôt au cours de l'année civile de la demande et dont il apparait que ce membre du ménage ou de la famille nécessite des soins ou une aide considérables pour une raison médicale grave. Cette attestation ne peut pas indiquer la raison médicale elle-même.

Sauf disposition contraire, toutes les conditions édictées dans la loi doivent être remplies au moment où débute la formule souple de travail.

La loi rappelle que le travailleur doit s’abstenir de tout usage abusif de ce droit de demander une formule souple de travail et que ce dernier doit être exercé en vue de l’objectif pour lequel il a été instauré. Cette disposition anti-abus doit empêcher qu’un travailleur introduise plusieurs demandes dans l’unique but de bénéficier de la protection contre le licenciement.

3. Qu’entend-on par « formule souple de travail » ?

Il s’agit d’un aménagement des modalités de travail existantes du travailleur sous forme, notamment :

  • d’une adaptation du régime de travail ;
  • d’une adaptation de l’horaire de travail ;
  • d’un recours au télétravail.

Il est important de préciser que cette liste est non-exhaustive.

4. Pendant combien de temps le travailleur peut-il bénéficier d’une formule souple de travail ?

Le travailleur a le droit de demander une formule souple de travail pour une période continue de 12 mois maximum.

L’employeur et le travailleur peuvent convenir de commun accord d’une formule souple de travail pour une période continue de plus de 12 mois (y compris pour une durée indéterminée).

5. Quelles formalités le travailleur doit-il accomplir pour introduire sa demande ?

Le travailleur doit transmettre à l’employeur une demande écrite au moins 2 mois et au plus 3 mois à l’avance. Ce délai peut être réduit de commun accord entre l’employeur et le travailleur.

La demande du travailleur doit être introduite :

  • soit par la remise d’un écrit dont le double est signé par l’employeur au titre d’accusé de réception ;
  • soit par lettre recommandée, laquelle est censée reçue le 3ème jour ouvrable après son dépôt à la poste  ;
  • soit par voie électronique moyennant accusé de réception de l’employeur.

 

La demande du travailleur doit comprendre les éléments suivants :

  • la référence à la loi sur laquelle se fonde la demande (cette référence est importante car elle permet d’éviter toute confusion avec d’autres droits découlant d’autres réglementations) ;
  • la formule souple de travail souhaitée ;
  • la date de prise de cours et de fin de la formule souple de travail ;
  • le but de s’occuper d’un proche pour lequel la formule souple de travail est demandée, y compris l’identité de la personne pour laquelle la formule souple de travail est demandée.

6. Quelle réponse l’employeur peut-il apporter à la demande du travailleur ?

6.1. Modalités de la réponse

L’employeur doit donner une réponse écrite au travailleur dans le mois suivant la demande.

Contrairement à ce qui est prévu pour la demande du travailleur, la loi n’indique pas sous quelle forme la réponse écrite de l’employeur doit être donnée. Nous conseillons dès lors l’employeur d’utiliser les formes telles que reprises pour le travailleur (lettre recommandée, remise d’un écrit contre accusé de réception ou envoi d’un mail contre accusé de réception) et ce, afin de pouvoir se ménager la preuve de l’envoi de la réponse en cas de contestation.

Pour donner sa réponse, l’employeur examine la demande en tenant compte de ses propres besoins et de ceux du travailleur.

Lorsque l’employeur s’abstient de répondre, cette absence de réponse est assimilée à un accord.

6.2. Types de réponse

L’employeur peut avancer 3 réponses.

L’employeur accepte la demande. Dans ce cas, il s’accorde avec le travailleur sur les modalités concrètes d’exercice de la formule souple de travail.

Cet accord implique le respect des obligations légales, réglementaires et conventionnelles en matière de droit du travail (respect de la réglementation relative à la durée du travail, des horaires du règlement de travail, des spécificités propres au travail à temps partiel,…).  

L’employeur rejette la demande. Il doit alors motiver son refus en fournissant au travailleur les raisons concrètes du refus d’exercice de la formule souple de travail. A cet égard, l’employeur indique de quelle manière il a été tenu compte de ses besoins propres et de ceux du travailleur lors de l’examen de la demande.

 

L’employeur peut formuler une contre-proposition motivée consistant en une autre formule souple de travail ou en une autre période d’exercice de la formule souple de travail qui répond mieux à ses propres besoins. Si l’employeur et le travailleur conviennent d’un aménagement des modalités de travail existantes du travailleur, cet aménagement constitue une formule souple de travail, quel que soit le moment où ce contrat est conclu.

7. Est-il possible de mettre fin anticipativement à la formule souple de travail ?

Oui, le travailleur a le droit de demander la cessation anticipative de la formule souple de travail et ce, afin de revenir aux modalités de travail de départ.

Le travailleur doit alors introduire sa demande, par écrit, 10 jours ouvrables à l’avance.

L'employeur examine cette demande et y donne suite, par écrit, dans les 5 jours ouvrables, en tenant compte de ses propres besoins et de ceux du travailleur.

De nouveau, la loi n’indique pas sous quelle forme la réponse écrite de l’employeur doit être donnée. Nous conseillons dès lors d’utiliser les formes telles que  la lettre recommandée, la remise d’un écrit contre accusé de réception ou l’envoi d’un mail contre accusé de réception et ce, afin de pouvoir se ménager la preuve de l’envoi de la réponse en cas de contestation.

8. Que se passe-t-il à l’issue de la période de formule souple de travail ?

Le travailleur a le droit de retrouver ses modalités de travail de départ.

9. Le travailleur faisant usage de son droit de demander une formule souple de travail bénéficie-t-il d’une quelconque protection ?

Oui.

D’une part, la loi prévoit que lorsqu’il est mis fin au contrat de travail d’un travailleur bénéficiant d’une réduction de ses prestations dans le cadre d’une formule souple de travail, l’indemnité compensatoire de préavis est calculée sur base de la rémunération à laquelle le travailleur aurait eu droit en vertu de son contrat de travail s’il n’avait pas réduit ses prestations. En cas de rupture du contrat de travail, l’employeur doit donc calculer une indemnité compensatoire de préavis comme si la mise en œuvre de ce type de formule souple de travail n’existait pas.

Pour que cette protection puisse s’appliquer, il ne faut pas que la réduction des prestations de travail soit prévue pour une durée indéterminée.

D’autre part, la loi prévoit que sauf pour des motifs étrangers à l’exercice du droit de demander une formule souple de travail, l’employeur ne peut poser un acte tendant à mettre unilatéralement fin au contrat de travail du travailleur qui a fait usage de ce droit.

Cette protection débute le jour de la demande et se termine 1 mois après la fin de la formule souple de travail. Quand aucune formule souple de travail n’a été entamée, elle se termine 1 mois après la date de début demandée.

Lorsqu’il est mis fin au contrat de travail pour des motifs étrangers à l’exercice du droit de demander une formule souple de travail, l’employeur doit prouver l’existence de ces motifs. A la demande du travailleur, l’employeur communique ces derniers par écrit.

Si le motif invoqué à l’appui du licenciement n’est pas étranger à l’exercice du droit de demander une formule souple de travail ou s’il n’y a pas de motif, l’employeur doit payer au travailleur une indemnité forfaitaire égale à 6 mois de rémunération brute, sans préjudice des indemnités dues en cas de rupture du contrat de travail.

La loi indique également qu’est assimilé à un « licenciement par l’employeur pendant la période de protection» :

  • tout acte de l’employeur à l’issue de cette période qui tend à mettre unilatéralement fin au contrat de travail du travailleur et ;
  • pour lequel des mesures préparatoires ont été prises durant cette période (en ce compris, le fait de prendre la décision de licencier). 

 

Source :

Loi du 7 octobre 2022 transposant partiellement la Directive (UE) 2019/1158 du Parlement européen et du Conseil du 20 juin 2019 concernant l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée des parents et des aidants et abrogeant la directive 2010/18/UE du Conseil, et réglementant certains autres aspects relatifs aux congés, M.B., 31 octobre 2022.