Depuis le 1er octobre 2022, un travailleur peut demander des formules souples de travail

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Un travailleur qui prodigue des soins soit à un enfant, soit à un membre du ménage ou de la famille gravement malade peut demander une formule souple de travail pour une période maximale de 12 mois.

Afin de transposer certaines dispositions de la directive européenne concernant l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée des parents et des aidants, le Conseil National du Travail a conclu la convention collective de travail n° 162 instituant pour les travailleurs un droit à demander des formules souples de travail et ce, dans le but de s’occuper d’un proche.

Les conditions, les modalités et les garanties d’exercice de ce droit sont détaillées ci-dessous.

Les partenaires sociaux précisent que l’employeur et le travailleur doivent s’abstenir de tout usage abusif des droits conférés par la convention collective de travail n° 162. Le travailleur et l’employeur doivent faire usage de leurs droits en vue des objectifs pour lesquels ils ont été instaurés.

1. Qui a le droit de demander une formule souple de travail ?

Un travailleur qui est lié à l’employeur par un contrat de travail depuis au moins 6 mois a le droit de demander une formule souple de travail.

Pour un travailleur qui est occupé dans le cadre de contrats à durée déterminée ou de contrats de remplacement successifs auprès du même employeur, les périodes d’interruption entre deux contrats sont neutralisées.

Pour un travailleur intérimaire, c’est l’ancienneté au sein du bureau d’intérim et chez l’employeur qui est prise en considération pour le calcul des 6 mois d’ancienneté. Si un travailleur intérimaire est engagé par un utilisateur avec un contrat de travail après une période de mise à disposition chez cet utilisateur, l’ancienneté acquise pendant la période de mise à disposition en tant que travailleur intérimaire doit être prise en considération pour le calcul des 6 mois d’ancienneté.

2. Dans quel but le travailleur peut-il demander une formule souple de travail ?

Le travailleur peut introduire une demande de formule souple de travail afin :

  • de prendre soin d’un enfant jusqu’à son 12ème anniversaire, en tant que parent ou en tant que conjoint ou cohabitant, et ce, en raison de la naissance, de l’adoption, de la tutelle ou du placement familial de longue durée de cet enfant.
  • d’octroyer des soins personnels ou une aide personnelle à un membre déterminé du ménage (toute personne qui cohabite avec le travailleur) ou de la famille (parents jusqu’au 2ème degré, alliés jusqu’au 1er degré, parents jusqu’au 1er degré du partenaire cohabitant de fait depuis au moins 12 mois avec le travailleur) qui nécessite des soins ou une aide considérables pour une raison médicale grave.

La limite d’âge de 12 ans est portée à 21 ans lorsque l’enfant est porteur d’un handicap.

La condition de l’âge doit être satisfaite au plus tard pendant la période de formule souple du travail. Elle peut être dépassée en cas de report opéré à la demande de l’employeur.

Le travailleur fournit, au plus tard à la date de prise de cours de la formule souple de travail, le ou les documents de preuve à l’appui du but invoqué. La preuve de l’octroi de soins personnels ou d’une aide personnelle à un membre du ménage ou de la famille qui nécessite des soins ou une aide considérables pour une raison médicale grave est fournie au moyen d’une attestation délivrée par le médecin traitant du membre du ménage ou de la famille au plus tôt au cours de l’année civile de la demande d’une formule souple de travail.

Le droit de demander une formule souple de travail est reconnu au travailleur qui cohabite avec la personne à l'égard de laquelle la filiation est établie et chez laquelle l'enfant a son domicile. Le Conseil National du Travail a rendu un avis dans lequel il précise la notion de "domicile". Pour le Conseil, pour autant qu'un lien affectif suffisant puisse être démonté entre l'enfant et le travailleur qui introduit la demande, le domicile englobe tant la résidence principale de l'enfant que sa résidence secondaire (résidence du parent hébergeur auprès duquel l'enfant n'est pas inscrit à titre principal dans les registres de la population). De cette manière, le nouveau partenaire du parent hébergeur qui partage la même adresse de résidence que l'enfant hébergé peut également introduire une demande de formule souple de travail.  

3. Qu’entend-on par « formule souple de travail » ?

Il s’agit d’un aménagement des modalités de travail existantes du travailleur sous forme, notamment :

  • d’un recours au travail à distance, tel que le télétravail ;
  • d’une adaptation de l’horaire de travail ;
  • d’une réduction du temps de travail.

Il est important de préciser que cette liste est non-exhaustive.

4. Aucune formule souple de travail, aucun aménagement n’est prévu dans l’entreprise. Le travailleur peut-il toutefois introduire une demande ?

Oui, le travailleur peut demander tout aménagement de ses modalités de travail existantes, même quand aucun aménagement n’est prévu dans l’entreprise ou que cet aménagement spécifique n’est pas encore appliqué. Toutefois, une procédure de concertation sociale devra être initiée par la partie la plus diligente pour entamer les discussions sur les formules souples de travail qui pourraient être mises en place au niveau de l’entreprise.

La convention collective de travail n° 162 prévoit que les secteurs ont la possibilité de créer un cadre pour des formules souples de travail, pour autant qu’il ne porte pas sur la condition d’ancienneté et qu’il ne porte pas préjudice aux régimes de travail introduits au niveau de l’entreprise.

5. Pendant combien de temps le travailleur peut-il bénéficier d’une formule souple de travail ?

Le travailleur a le droit de demander une formule souple de travail pour une période maximale de 12 mois. La demande peut être fragmentée en plusieurs périodes distinctes.

Sur l’ensemble de sa carrière, le travailleur peut introduire plusieurs demandes de formules souples de travail, la totalité de celles-ci n’étant pas limitée à une période maximale totale de 12 mois.

Cette période maximale n’est pas non plus limitée par bénéficiaire des soins.

Une période plus longue que 12 mois peut être prévue :

  • par une convention collective de travail conclue au niveau du secteur ou de l’entreprise ;
  • ou au niveau de l’entreprise, en concertation entre l’employeur et la délégation syndicale de l’entreprise ou, en l’absence de délégation syndicale dans l’entreprise, par un accord mutuel entre les travailleurs concernés et l’employeur ;
  • ou moyennant un accord mutuel entre le travailleur concerné et l’employeur.

6. Quelles formalités le travailleur doit-il accomplir pour introduire sa demande ?

Le travailleur doit avertir l’employeur au moins 3 mois à l’avance :

  • soit par lettre recommandée ;
  • soit par la remise d’un écrit dont le double est signé par l’employeur au titre d’accusé de réception ;
  • soit par voie électronique moyennant accusé de réception de l’employeur.

Dans le cadre du travail intérimaire, le travailleur introduit sa demande auprès du bureau d’intérim.

 

Un délai inférieur à 3 mois peut être prévu :

  • par une convention collective de travail conclue au niveau du secteur ou de l’entreprise ;
  • ou au niveau de l’entreprise, en concertation entre l’employeur et la délégation syndicale de l’entreprise ou, en l’absence de délégation syndicale dans l’entreprise, par un accord mutuel entre les travailleurs concernés et l’employeur ;
  • ou moyennant un accord mutuel entre le travailleur concerné et l’employeur.

 

La demande du travailleur doit comprendre les éléments suivants :

  • le type de formule souple de travail demandée ;
  • la référence expresse à la convention collective de travail n° 162 sur laquelle se fonde la demande (cette référence est importante car elle permet d’éviter toute confusion avec d’autres droits découlant d’autres réglementations) ;
  • la date de prise de cours et de fin de la formule souple de travail ;
  • le but de soins à prodiguer pour lequel la formule souple de travail est demandée.

 

Le travailleur a le droit de demander une nouvelle formule souple de travail ou la prolongation de la formule souple de travail en cours pour une période maximale de 12 mois, conformément à la procédure prévue pour la demande initiale. Toutefois, lorsque la demande de prolongation d’une formule souple de travail vise le même objet et les mêmes modalités d’aménagement du temps de travail, une prolongation peut être convenue par un accord mutuel entre le travailleur concerné et l’employeur.

En dehors de ce cas, une prolongation sous forme simplifiée en cas de nouvelle demande peut être prévue :

  • par une convention collective de travail conclue au niveau du secteur ou de l’entreprise ;
  • ou au niveau de l’entreprise, en concertation entre l’employeur et la délégation syndicale de l’entreprise ou, en l’absence de délégation syndicale dans l’entreprise, par un accord mutuel entre les travailleurs concernés et l’employeur ;
  • ou moyennant un accord mutuel entre le travailleur concerné et l’employeur.

7. Quelle réponse l’employeur peut-il apporter à la demande du travailleur ?

7.1. Modalités de la réponse

L’employeur doit donner une réponse écrite au travailleur dans le mois suivant la date de la demande.

Contrairement à ce qui est prévu pour la demande du travailleur, la convention collective de travail n° 162 n’indique pas sous quelle forme la réponse écrite de l’employeur doit être donnée. Nous conseillons dès lors l’employeur d’utiliser les formes telles que reprises pour le travailleur (lettre recommandée, remise d’un écrit contre accusé de réception ou envoi d’un mail contre accusé de réception) et ce, afin de pouvoir se ménager la preuve de l’envoi de la réponse en cas de contestation.

Pour donner sa réponse, l’employeur examine la demande en tenant compte des besoins de l’entreprise ainsi que, de manière maximale, des besoins du travailleur.

En cas d’absence de réponse de l’employeur au terme du mois suivant la date de la demande, le travailleur peut renouveler sa demande de formule souple de travail.

7.2. Types de réponse

L’employeur peut avancer 4 réponses.

L’employeur accepte la demande. Dans ce cas, il s’accorde avec le travailleur sur les modalités concrètes d’exercice de la formule souple de travail.

Cet accord implique le respect des obligations légales, réglementaires et conventionnelles en matière de droit du travail (respect de la réglementation relative à la durée du travail, des horaires du règlement de travail, de la convention collective de travail n° 85 relative au télétravail, des spécificités propres au travail à temps partiel,…).  

L’employeur peut reporter l’exercice d’une formule souple de travail pour des raisons concrètes et justifiables liées au fonctionnement de l’entreprise. Dans ce cas, il doit communiquer au travailleur les raisons concrètes de ce report. En cas d’accord sur le report, l’employeur et le travailleur conviennent d’un aménagement des modalités de travail existantes du travailleur. Le report d’une formule souple de travail ne peut jamais avoir pour effet de rendre la formule souple de travail impossible.

 

L’employeur refuse la demande. Il doit alors motiver son refus en fournissant au travailleur les raisons concrètes du refus d’exercice de la formule souple de travail. Lorsque, malgré une demande initiale refusée, un même travailleur introduit des demandes identiques et répétées à bref intervalle, l’employeur peut utiliser les justifications concrètes fournies lors de la demande initiale, pour autant que la situation du travailleur reste inchangée.

 

L’employeur peut formuler une contre-proposition motivée consistant en une autre formule souple de travail ou en une autre période d’exercice de la formule souple de travail qui répond mieux aux besoins et au fonctionnement de l’entreprise, en tenant compte toujours, de manière maximale, des besoins du travailleur. Ce dernier peut accepter ou refuser cette contre-proposition. Si l’employeur et le travailleur conviennent d’un aménagement des modalités de travail existantes du travailleur, cet aménagement constitue une formule souple de travail.

8. Est-il possible de suspendre ou de mettre fin anticipativement à la formule souple de travail ?

Oui, tant dans le chef du travailleur que de l’employeur.

Le travailleur introduit sa demande motivée, par écrit, afin de revenir aux modalités de travail antérieures. L’employeur doit fournir une réponse écrite motivée dans un délai raisonnable et au plus tard, dans les 14 jours suivant la demande. Le travailleur et l’employeur entament, dans les plus brefs délais, un dialogue sur les possibilités concrètes de retour, en tenant compte de leurs besoins mutuels.

L’employeur fait part de sa demande au travailleur, par écrit, en cas de survenance de nouvelles nécessités exceptionnelles imprévues intervenant hors de sa volonté et mettant en péril l’organisation du travail. Le travailleur répond par écrit dans un délai raisonnable et au plus tard, dans les 14 jours suivant la demande. Le travailleur et l’employeur entament, dans les plus brefs délais, un dialogue sur les possibilités concrètes de retour, en tenant compte de leurs besoins mutuels. Si le travailleur refuse de suspendre ou de mettre fin anticipativement à la formule souple de travail, il ne peut en subir aucune conséquence négative.

9. Que se passe-t-il à l’issue de la période de formule souple de travail ?

Le travailleur a le droit de retrouver ses modalités de travail de départ.

10. Le travailleur faisant usage de son droit de demander une formule souple de travail bénéficie-t-il d’une quelconque protection ?

Oui, le travailleur est protégé :

  • contre les traitements défavorables liés aux responsabilités familiales par la loi du 10 mai 2007 tendant à lutter contre la discrimination entre les femmes et les hommes, telle que modifiée par la loi du 15 novembre 2022 ;
  • contre le licenciement.

Si un travailleur ayant un contrat de travail à durée déterminée a fait une demande d’une formule souple de travail, le non-renouvellement du contrat de travail pourrait être considéré comme un traitement défavorable. Toutefois, le travailleur ne peut pas invoquer le traitement défavorable si le non-renouvellement du contrat de travail :

  • est demandé par le travailleur lui-même ou ;
  • si le non-renouvellement de contrat à durée déterminée est lié à des motifs qui sont étrangers à l’exercice des droits qui découlent de la convention collective de travail n° 162.

Ces protections prennent effet à la date de la demande écrite du travailleur et cessent 2 mois après la date de la fin de la formule souple de travail ou 2 mois après la date de refus de la demande par l’employeur. En dehors de ces situations, quand aucune formule souple de travail n’est entamée, elles prennent fin 2 mois après la date de début demandée. Les protections couvrent aussi la période du report éventuel.

Sauf pour des motifs qui sont étrangers à l’exercice du droit de demander une formule souple de travail, l’employeur qui ne respecte pas ces protections s’expose au paiement d’une indemnité, selon le cas, de 2 à 3 mois de rémunération ou de 4 à 6 mois de rémunération.

Les indemnités fixées par la convention collective de travail ne sont pas cumulables :

  • entre elles ;
  • avec toute autre indemnité due par l’employeur à l’occasion de la fin du contrat, à l’exception d’une indemnité de préavis, d’une indemnité de non-concurrence, d’indemnité d’éviction ou d’indemnité complémentaire payée en plus des allocations sociales ;
  • avec les indemnités dues en cas de discrimination sur base du critère protégé des responsabilités familiales inscrit dans la loi du 10 mai 2007 tendant à lutter contre la discrimination entre les femmes et les hommes, telle que modifiée par la loi du 15 novembre 2022.

 

En parallèle de la convention collective de travail n° 162, le Conseil National du Travail a conclu la convention collective du travail n° 103/6 afin d’adapter la convention collective de travail relative au crédit-temps. 

Cette adaptation porte sur la neutralisation des périodes de réduction des prestations de travail et d’adaptation des modalités de travail en conséquence de la prise d’une formule souple de travail dans le calcul des 12 ou 24 mois d’occupation au sein de l’entreprise pour l’octroi d’un crédit-temps ou d’un emploi de fin de carrière. Concrètement, ces périodes de formule souple de travail seront mises entre parenthèses pour le calcul des 12 ou 24 mois. Cette neutralisation permettra donc au travailleur de passer facilement d’une formule souple de travail au système de crédit-temps.

Cette neutralisation est également d’application depuis le 1er octobre 2022.

 

Sources:

Directive (UE) 2019/1158 du Parlement européen et du Conseil du 20 juin 2019 concernant l'équilibre entre vie professionnelle et vie privée des parents et des aidants et abrogeant la directive 2010/18/UE du Conseil.

Convention collective de travail n° 162 instituant un droit à demander une formule souple de travail.

Convention collective de travail n° 103/6 adaptant la convention collective de travail n°103 du 27 juin 2012 instaurant un système de crédit-temps, de diminution de carrière et d’emplois de fin de carrière.

Convention collective de travail n° 162/1 adaptant la convention collective de travail n°162 du 27 septembre 2022 instituant un droit à demander une formule souple de travail.

Avis n° 2.345 du Conseil National du Travail.