FAQ : Mise à disposition de travailleurs - interdiction et dérogations

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La mise à disposition de travailleurs vise la situation dans laquelle un travailleur est « prêté » par son employeur à un tiers qui utilise ce travailleur et exerce sur lui une part de l'autorité patronale. Cette pratique est en principe interdite par la loi mais il existe néanmoins certaines nuances et dérogations dont nous vous donnons un aperçu ci-après.


La mise à disposition de travailleurs vise la situation dans laquelle un travailleur est « prêté » par son employeur à un tiers qui utilise ce travailleur et exerce sur lui une part de l'autorité patronale.

Cette pratique est en principe interdite par la loi mais il existe néanmoins certaines nuances et dérogations dont nous vous donnons un aperçu ci-après.

1. Comment détecter une mise à disposition de travailleurs ?

Il y aura mise à disposition d’un travailleur, de la part de son employeur, dès que le tiers « utilisateur » exercera sur le travailleur tout ou partie de l’autorité qui revient à l’employeur, et cela, même si l’employeur ne lui a pas expressément délégué cette prérogative.

Il est donc important de comprendre ce que cette notion d’autorité recouvre pour identifier une mise à disposition de personnel.  

L’autorité de l’employeur renvoie au pouvoir de l’employeur de donner des ordres aux travailleurs concernant l’organisation du travail, de contrôler le respect de ces ordres et d’exercer son pouvoir disciplinaire.

Voici quelques exemples de prérogatives relevant de l’autorité de l’employeur :

  • le fait de donner des ordres, des instructions et des lignes de conduite ;
  • le fait d’imposer le respect des horaires de travail ;
  • le paiement de la rémunération au travailleur ;
  • le fait d’exiger du travailleur de produire des rapports d’activités ;
  • le fait de sanctionner le travailleur s’il commet des fautes ;
  • le contrôle de l’incapacité de travail ;
  • etc,…

2. Sous-traitance, consultance ou autres prestations de services : s’agit-il de mise à disposition interdite ?

Lorsque l’employeur envoie ses travailleurs en mission afin d’effectuer des prestations auprès de clients de l’entreprise, sans qu’aucun élément de l’autorité patronale ne soit transféré, il ne s’agit pas d’une mise à disposition (exemples : consulting, outsourcing, etc.).

Dans le cadre de ce type de missions, la loi autorise le tiers (client) à donner, aux travailleurs concernés, certaines instructions spécifiques, sans qu’il soit question de mise à disposition interdite.

Plus précisément, il s’agit des instructions suivantes

  • instructions en lien avec le respect des obligations en matière de bien-être au travail ;
  • instructions données dans le respect des  conditions cumulatives suivantes :
  • Un contrat écrit, conclu entre le tiers et l’employeur, doit prévoir de manière détaillée quelles sont précisément les instructions qui peuvent être données par le client aux travailleurs de l’employeur.

    • Le droit d’instructions accordé au tiers ne peut porter atteinte en aucune manière à l’autorité de l’employeur.
    • L’exécution effective de ce contrat (entre le tiers et l’employeur) doit correspondre entièrement aux dispositions expresses qui y sont reprises.
  • L’existence de ce contrat doit être notifiée au conseil d’entreprise (CE) ou – à défaut – au CPPT ou – à défaut, à la délégation syndicale (DS) de l’utilisateur. Si ces organes en font la demande, l’utilisateur devra également leur remettre une copie de la partie de la convention reprenant les instructions autorisées. Cette obligation d’information doit être satisfaite dès que le contrat est signé. En l’absence d’organes de concertation au sein de l’entreprise, l’utilisateur n’a pas l’obligation de communiquer une information aux travailleurs.

3. Quelles sont less dérogations à l’interdiction de mise à disposition de travailleurs ?  

Dans certaines circonstances, la loi autorise tout de même  la mise à disposition de personnel avec transfert de to t ou partie de l’autorité patronale.

Nous reprenons, ci-après les principales dérogations à l’interdiction de mise à disposition dans le secteur privé.

3.1. Mise à disposition exceptionnelle moyennant autorisation de l’Inspection sociale

Un employeur peut mettre ses travailleurs à la disposition d’un utilisateur moyennant le respect des conditions suivantes :

  • Les travailleurs mis à disposition sont des travailleurs permanents de l’entreprise, c’est-à-dire qu’ils sont occupés habituellement par l’employeur et qui n’ont pas été spécifiquement engagés pour être mis à disposition de tiers ;
  • La mise à disposition est prévue pour une durée limitée ;
  • La mise à disposition de travailleurs ne relève pas des activités normales de l’entreprise ;
  • Le tiers utilisateur doit obtenir au préalable l’accord de la délégation syndicale ou, à défaut, des organisations des travailleurs représentées au sein de la commission paritaire dont relève son entreprise ;
  • L’employeur doit demander l'autorisation de l'inspecteur-chef de district de l'Inspection des lois sociales ;
  • Avant le début de la mise à disposition, un document écrit doit être rédigé et signé par le travailleur, l’employeur et l’utilisateur (accord tripartite). Ce document doit mentionner les conditions et la durée de la mise à disposition.  

3.2. Mise à disposition entre entreprises d’une même entité économique

Une procédure simplifiée est prévue lorsqu’un un travailleur permanent est mis à la disposition d’un utilisateur à titre exceptionnel et pour une durée limitée :

  • Soit dans le cadre de la collaboration entre entreprises d’une même entité économique et financière ;
  • Soit en vue de l’exécution momentanée de tâches spécialisées requérant une qualification professionnelle particulière.

La procédure se limite ici à l’obligation d’avertir au moins 24 heures à l’avance l’inspection sociale de la mise à disposition et à conclure un accord tripartite préalable entre l’employeur, le travailleur et l’entreprise utilisatrice.

3.3. Mise à disposition dans le cadre du travail intérimaire

Le travail intérimaire est une forme spécifique de dérogation à l’interdiction de mise à disposition de travailleurs.

La notion de travail intérimaire renvoie à la situation dans laquelle un travailleur (intérimaire) est engagé par une entreprise de travail intérimaire dans le but d’être mis à la disposition d’une entreprise utilisatrice pour y effectuer un travail temporaire.

Le travail intérimaire implique dès lors trois parties dans le cadre d’une relation triangulaire entre l’entreprise de travail intérimaire, le travailleur intérimaire et l’utilisateur.

  • L’entreprise de travail intérimaire et le travailleur intérimaire sont liés par un contrat de travail intérimaire.
  • L’entreprise de travail intérimaire et l’utilisateur sont liés par un contrat commercial.
  • L’utilisateur et le travailleur intérimaire ne sont pas liés par un contrat mais l’utilisateur exerce un lien de subordination et dispose par conséquent de l’autorité de fait sur le travailleur intérimaire (et est responsable civilement pour les actes commis par l’intérimaire).

La durée maximale pendant laquelle le travail intérimaire est autorisé et la procédure à suivre varient selon le motif pour lequel il est fait appel au travail intérimaire. Le travail intérimaire n’est par ailleurs autorisé que dans le cadre de motifs légalement prévus, à savoir :

  • Le remplacement d’un travailleur permanent ;
  • Le surcroit extraordinaire de travail ;
  • L’exécution d’un travail exceptionnel ;
  • Le motif insertion (canal de recrutement pour occuper un poste vacant au sein de l’entreprise de l’utilisateur) ;
  • La fourniture de prestations artistiques et/ou la production d’œuvres artistiques ;
  • L’occupation dans le cadre d’un parcours d’emploi agréé par l’autorité régionale pour des chômeurs de longue durée et des bénéficiaires d’une assistance sociale financière.

3.4. Mise à disposition dans le cadre des groupements d’employeurs

Le dispositif des groupements d’employeurs permet à différentes entreprises de se regrouper pour partager de la main d’œuvre : plusieurs entreprises peuvent ainsi engager ensemble du personnel et partager le temps de travail de ce dernier ainsi que les coûts inhérents à la mise au travail.

 Juridiquement, le seul employeur du travailleur est le groupement d’employeurs qui met le travailleur à la disposition des entreprises membres du groupement.  

Le groupement d'employeurs doit avoir la forme d'une ASBL ou d'un groupement d'intérêt économique au sens du Livre XIV du Code des sociétés et doit avoir pour objet social unique la mise de travailleurs à la disposition de ses membres.

Une demande d’autorisation de fonctionner en tant que groupement d’employeurs doit être notifiée par lettre recommandée au Président du Comité de direction du SPF Emploi, Travail et Concertation sociale.

4. Quelles sont les sanctions en cas de mise à disposition interdite ?

Le Code pénal social prévoit une sanction de niveau 3 pour les infractions à l’interdiction de mise à disposition.  Cette sanction peut être appliquée tant à l’employeur qu’au tiers utilisateur. Le juge peut également prononcer une interdiction d’exploitation, une interdiction professionnelle et/ou une fermeture d’entreprise.

Sur le plan civil, une mise à disposition interdite entraîne la naissance d’un contrat de travail à durée indéterminée entre le travailleur et l’utilisateur et ce, depuis le début de l'exécution du travail. Le travailleur peut néanmoins mettre fin au contrat sans préavis ni indemnité et cela, jusqu’à la date où sa mise à la disposition de l'utilisateur aurait normalement pris fin.

L’utilisateur et l’employeur d’origine sont en outre solidairement responsables du paiement des salaires, des cotisations de sécurité sociale, des rémunérations et autres avantages dus à la suite de la naissance du contrat de travail avec l’utilisateur.