La cotisation spéciale de sécurité sociale : quelques explications

article image Par 

Ces derniers temps, les médias ont souvent évoqué la suppression de la cotisation spéciale de sécurité sociale (souvent abrégée CSSS). Le gouvernement fédéral a récemment décidé de la diminuer et le ministre des Finances a plusieurs fois exprimé son souhait de la supprimer complètement. Mais que cache précisément cette cotisation spéciale de sécurité sociale ?

Dans cet article nous vous expliquons ce que signifie la cotisation spéciale de sécuriré sociale et ce qui se passera avec cette cotisation dans l'avenir.

Champ d’application

Le champ d'application personnel de cette cotisation spéciale concerne :

  • les travailleurs ou assimilés qui sont assujettis à un régime de sécurité sociale
  • les ministres des cultes reconnus & conseillers laïcs et certains mandataires
  • les bénéficiaires de prestations de sécurité sociale indexées, à l’exclusion des pensions.

 

Cependant, certains ménages ne sont pas soumis à cette cotisation:

  • des ménages constitués uniquement de travailleurs indépendants ou de personnes bénéficiant d'une pension de retraite ou de survie à titre d'indépendant
  • des ménages constitués d'un indépendant dont le conjoint preste moins d'un mi-temps dans le régime salarié ou assimilé.

Retour en 1994

La cotisation spéciale de sécurité sociale a été créée en 1994, dans le cadre du Plan global du gouvernement Dehaene 1er, visant à assainir les finances publiques. Une partie de ce plan visait à augmenter le financement de la sécurité sociale et la solution retenue fait étalage de toute la créativité belge en la matière : la cotisation spéciale de sécurité sociale consiste en une cotisation sociale que l’employeur doit retenir sur le salaire net du travailleur, pour ensuite la reverser à l’ONSS. Le montant retenu n’est pas définitif, puisque le calcul final a lieu lors du décompte de l’impôt des personnes physiques du travailleur, en tenant compte des revenus nets imposables du ménage (il ne s’agit donc plus uniquement des revenus du travailleur seul !). Le montant que les travailleurs et les fonctionnaires doivent payer ou récupérer lors de la liquidation de l’impôt des personnes physiques comprend donc en partie cette cotisation spéciale.

Sans surprise, cette construction assez particulière a rapidement engendré des problèmes d’application (et l’apparition de demi-solutions), en particulier pour le travail frontalier. Que faire, par exemple, pour les travailleurs frontaliers soumis à la sécurité sociale belge, mais pas à l’impôt des personnes physiques belge ?

Première étape : retenue mensuelle par l’employeur

Le montant de la cotisation est fixé en fonction du salaire trimestriel du travailleur. Cette cotisation est prélevée tous les mois.

Salaire brut / trimestre
(portée à 108 % pour les ouvriers)

Cotisation/trimestre

Travailleur marié / cohabitant légal + conjoint avec des revenus professionnels

Travailleur célibataire ou conjoint sans revenus professionnels

<  3.285,29 €

0 €

0 €

>  3 285,29 € - 5 836,13 €

27,90 €

0 €

> 5 836,14 € - 6 570,54 €

7,60 % de la partie salaire mensuel dans la tranche de 1.945,38 à 2.190,18 €, avec un minimum de 27,90 €

7,60 % de la partie salaire mensuel dans la tranche de 1.945,38 à 2.190,18 €

> 6 570,55 € - 18 116,46 €

55,80 € + 1,1 % de la partie salaire mensuel dans la tranche de 2.190,19 à 6.038,82 €, avec un maximum de 154,92 €

55,80 € + 1,1 % de la partie salaire mensuel dans la tranche de 2.190,19 à 6.038,82 €

> 18 116,46 €

154,92 €

182,82 €

Deuxième étape : montant final via l’impôt des personnes physiques

Le montant total annuel de ces retenues mensuelles apparaît sur la fiche fiscale du travailleur. Le travailleur doit ensuite le mentionner sur sa déclaration d’impôt.

Le montant définitif est calculé en fonction de la totalité des revenus nets imposables, et donc également des revenus provenant d’une autre source qu’un travail salarié. Plusieurs types de revenus ne sont en revanche pas concernés (notamment les revenus imposés distinctement), mais les revenus immobiliers ou tirés d’une activité d’indépendant sont bien pris en compte.

Revenus nets imposables du ménage / an

Montant définitif de la cotisation spéciale de sécurité sociale

<  18.592,02€

0€

>  18 592,02 € – 21 070,96 €

9 % de la partie > 18 592,02 €

> 21 070,97 € – 60 161,85 €

223,10 € + 1,3 % de la partie > 21 070,96 €

> 60 161,85 €

731,28 €

Lorsque le travailleur est marié ou cohabitant légal, la cotisation spéciale est calculée en tenant compte de l’ensemble des revenus nets imposables des deux personnes formant le couple, même si une seule a un statut de travailleur.

Être cohabitant de fait peut donc s’avérer plus avantageux fiscalement parlant dans certaines situations, en particulier si les deux partenaires affichent un revenu imposable faible. Par contre, si leur revenu imposable est élevé, un mariage ou une cohabitation légale peut être plus intéressant. Comme les revenus du couple sont additionnés, le plafond de 731,28 euros est atteint plus rapidement qu’en cas de cohabitation de fait, et donc d’imposition séparée.

Certains médias flamands ont avancé que la réduction — et, à terme, la suppression complète — de la cotisation spéciale s’avérerait moins avantageuse pour les célibataires. D’un point de vue général, on pourrait avancer qu’un couple de personnes mariées et de cohabitants légaux doit s’acquitter d’une cotisation spéciale plus élevée que deux célibataires dont les revenus imposables sont moitié moindres que ceux du couple (voir exemples). On peut donc avancer que les personnes mariées et les cohabitants légaux trouveraient davantage leur compte en cas de réduction — et plus tard, de suppression — de la cotisation spéciale. Ce n’est que si son revenu net imposable est très élevé qu’une personne seule sera plus fortement imposée qu’un couple de personnes mariées ou de cohabitants légaux. Ceci s’explique entre autres par le plafond de 731,28 euros. Ce plafond est unique pour le couple et se répartit sur les deux personnes, tandis qu’un célibataire le supporte seul.

Célibataire

 Couple de personnes mariées ou de cohabitants légaux

Comparaison / exemple 1

Revenus nets imposables : 10 000 € par an

Revenus nets imposables communs : 20 000 €  / an

Cotisation spéciale de sécurité sociale : 0 €

Cotisation spéciale de sécurité sociale : 126,72 €

Comparaison / exemple 2

Revenus nets imposables : € 20 000 / an

Revenus nets imposables communs :  € 40 000 / an

Cotisation spéciale de sécurité sociale : 126,72 €

Cotisation spéciale de sécurité sociale : 469,18 €

Comparaison / exemple 3

Revenus nets imposables : € 30 000 / an

Cotisation spéciale de sécurité sociale : € 60 000 / an

Cotisation spéciale de sécurité sociale : 339,178 €

Cotisation spéciale de sécurité sociale : 729,18 €

Les chiffres que nous avons mentionnés dans cet article ne sont pas soumis à l’indexation. Les montants et pourcentages actuels sont donc toujours les mêmes que ceux de 1994 ! Le coût de la vie ayant bien entendu augmenté, on peut donc dire que durant 27 ans, la cotisation spéciale a été accompagnée d’une augmentation permanente et sous-jacente des impôts. En effet, les différentes tranches n’ont jamais été adaptées pour faire face à l’augmentation du coût de la vie.

Budget 2022 : réduction de la cotisation spéciale

Dans le cadre du budget 2022, le gouvernement fédéral a décidé de diminuer cette cotisation spéciale. D’après certains médias, cette diminution prendrait la forme d’un nouveau plafond fixé à 581 euros (au lieu de 731,28 euros actuellement) et d’un pourcentage passant de 9 à 7 %. Certains détails n’ont toutefois pas encore été communiqués (par exemple, une révision du taux pour les revenus compris entre 21 070,94 € et 60 161, 85 € ou les nouveaux taux pour calculer les retenues mensuelles effectuées par l’employeur). Affaire à suivre, donc !