Salaire de départ pour les jeunes travailleurs sans expérience professionnelle

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Un employeur peut payer un jeune travailleur sans expérience professionnelle en dessous du salaire minimum. Il devra certes compléter la différence en net, mais pourra déduire ce supplément du précompte professionnel à verser au fisc.

Afin de promouvoir l’occupation des jeunes travailleurs, le législateur offre la possibilité aux employeurs de verser aux jeunes sans expérience professionnelle un salaire de départ, autrement dit un salaire brut inférieur au salaire minimum actuellement en vigueur. Comme cette réduction ne peut pas engendrer une baisse du salaire net pour le jeune, l’employeur doit compenser en net la différence entre la rémunération brute non réduite et la rémunération brute réduite. L’employeur pourra toutefois déduire ce supplément compensatoire net du précompte professionnel retenu sur la rémunération imposable du jeune et reversé au fisc.

1. Employeurs concernés

Cette mesure ne concerne que les employeurs du secteur privé.

Elle ne s’applique toutefois pas aux employeurs qui ressortissent à une commission paritaire ou à une sous-commission paritaire fixant pour les jeunes de 18 à 21 ans des salaires minimums inférieurs aux salaires minimums des travailleurs de 21 ans et plus, sauf si ces salaires minimums inférieurs sont uniquement valables pour des jeunes engagés sur la base d’un contrat d’occupation étudiant. N’hésitez pas à vous renseigner à ce sujet en consultant les informations sectorielles de votre commission paritaire sur www.groups.be.

Certains secteurs ont également décidé de ne pas appliquer ce salaire de départ. Les employeurs qui en font partie doivent donc se conformer à cette décision. N’hésitez pas à vous renseigner à ce sujet en consultant les informations sectorielles de votre commission paritaire sur www.groups.be.

Cette mesure n’est possible que si la rémunération non réduite du jeune travailleur n’avait pas été supérieure au salaire minimum sectoriel ou, à défaut, au revenu minimum mensuel moyen garanti (RMMMG) fixé par le Conseil national du travail (CNT). En d’autres termes, si l’employeur verse au jeune un salaire au-dessus de ce salaire minimum, la mesure ne s’applique pas.

2. Jeunes travailleurs concernés

2.1. Conditions d’âge

Le jeune doit avoir au moins 18 ans, mais moins de 21 ans.

2.2. Condition d’expérience professionnelle

Le jeune doit être sans expérience professionnelle, autrement dit :

  • Il doit être inscrit comme demandeur d’emploi auprès d’Actiris, du Forem, du VDAB ou de l’ADG immédiatement avant son embauche.
  • Il n’a pas eu chez un ou plusieurs employeurs dans la période qui s’étend du 6e trimestre qui précède le trimestre dans lequel l’occupation prend cours (T-6) au 3e trimestre qui précède le trimestre dans lequel l’occupation prend cours (T-3), pendant au moins deux trimestres une occupation qui dépasse 4/5e d'un emploi à temps plein.

En principe, cette mesure ne s’adresse donc qu’au tout premier contrat conclu par le jeune après ses études. Afin d’éviter qu’un jeune refuse des contrats de courte durée pour cette raison, certaines prestations passées qui ne dépassent pas une limite fixée ne seront pas considérées comme des expériences professionnelles.

Les 6 trimestres qui précèdent l’engagement sont considérés de la façon suivante :

  • Trimestre du début de l’occupation (T) : les prestations éventuelles ne sont pas considérées comme des expériences professionnelles ;
  • 1er et 2e trimestres qui précèdent le trimestre du début de l’occupation (T-1 et T-2) : les prestations éventuelles ne sont pas non plus considérées comme des expériences professionnelles ;
  • la période qui s’étend du 6e trimestre qui précède le trimestre dans lequel l’occupation prend cours (T-6) au 3e trimestre qui précède le trimestre dans lequel l’occupation prend cours (T-3) : les prestations éventuelles sont considérées comme des expériences professionnelles si, pendant au moins deux trimestres, l’occupation totale dépasse les 4/5e d’un emploi à temps plein.

Pour calculer cette proportion, on considérera l’ensemble des périodes rémunérées par un employeur.

Certaines prestations ne seront par contre pas prises en compte :

  • celles réalisées dans le cadre d’un contrat d’apprentissage ;
  • la formation individuelle en entreprise ;
  • les prestations en tant qu’étudiant soumises à la cotisation de solidarité ;
  • les prestations jusqu’au 31 décembre de l’année du 18e anniversaire ;
  • le travail occasionnel dans l’Horeca, l’agriculture et l’horticulture ;
  • les flexijobs.

L’employeur pourra vérifier si ces conditions sont remplies en introduisant la dimona d’entrée : il recevra alors un message qui lui indiquera si le travailleur peut être considéré comme un jeune travailleur sans expérience professionnelle. S’il ne reçoit pas cette confirmation, l’employeur ne peut pas appliquer le salaire de départ.

2.3. Jeunes travailleurs exclus

Certains jeunes ne peuvent pas être occupés sous ce système :

  • les jeunes occupés sous un contrat étudiant ;
  • les jeunes occupés sous un contrat flexijob ;
  • les jeunes qui combinent une occupation à temps partiel avec une formation ;
  • les jeunes sous contrat d’apprentissage ;
  • les jeunes dont le contrat de travail s’inscrit dans le cadre d’un programme de remise à l’emploi.

3. Le contrat

Aucun contrat spécifique n’est nécessaire. Le contrat peut être conclu pour une durée déterminée ou une durée indéterminée, pour autant qu’il soit au moins à mi-temps.

On doit aussi y retrouver une mention précisant que l’employeur diminue le salaire minimum normalement applicable et verse au jeune un supplément compensatoire pour chaque mois où s’appliquera la réduction (voir plus loin).

4. Le salaire de départ

Si le jeune remplit les conditions requises, l’employeur peut lui verser un salaire brut réduit. Il s’agit bien d’une possibilité, et non d’une obligation. L’employeur reste libre de ne pas appliquer cette réduction.

4.1. Le montant brut

Le montant brut qui peut être réduit comprend les éléments suivants, pour autant que l’employeur les paye directement :

  • la rémunération prévue pour des prestations effectives
  • la rémunération garantie en cas de maladie et d’accident ou prévue pour des absences avec maintien de la rémunération ;
  • les simple et double pécules de vacances ;
  • les primes de fin d’année ;
  • les indemnités payées lorsqu’il est mis fin au contrat de travail, pour autant qu’elles soient exprimées en temps de travail.

Les autres éléments de rémunération sont calculés et payés sur la base du salaire brut non réduit.

4.2. Réduction du montant brut

Dans le cadre du salaire de départ, le montant du salaire brut du jeune travailleur pourra être réduit de :

  • 6 % pendant les mois durant lesquels il est âgé de 20 ans le dernier jour du mois ;
  • 12 % pendant les mois durant lesquels il est âgé de 19 ans le dernier jour du mois ;
  • 18 % pendant les mois durant lesquels il est âgé de 18 ans le dernier jour du mois.

À partir du mois pendant lequel il atteint 21 ans, le salaire ne peut donc plus être réduit.

4.3. Limites à la réduction

La réduction ne peut pas avoir pour effet que le salaire du jeune qui a acquis une certaine ancienneté soit inférieur au RMMMG prévu dans ces cas-là :

  • Si le jeune a 20 ans et 12 mois d’ancienneté : 1654,90 euros (montant applicable depuis le 1er septembre 2018) ;
  • Si le jeune a 19 ou 20 ans et 6 mois d’ancienneté : 1636,10 euros (montant applicable depuis le 1er septembre 2018) ;

Si la réduction entraîne un montant brut inférieur, elle doit être limitée aux montants repris ci-dessus.

5. Le supplément compensatoire

L’employeur devra verser au jeune un supplément compensatoire chaque mois où il diminuera le salaire brut. Ce supplément s’ajoute au salaire net que reçoit le jeune.

5.1. Montant

Ce supplément compensatoire est égal à la différence entre la rémunération nette qui correspond à la rémunération brute non réduite et la rémunération nette qui correspond à la rémunération brute réduite.

Ce supplément est en outre majoré d’un pourcentage calculé sur la rémunération brute réduite pour les travailleurs dont le pécule de vacances est payé par l’Office national des vacances annuelles ou par une caisse de vacances (soit les ouvriers et les artistes).

Ce pourcentage s’élève à :

  • 0, 82 % si la rémunération brute est réduite de 6 %;
  • 1,75 % si la rémunération brute est réduite de 12 %;
  • 2,82 % si la rémunération brute est réduite de 18 %.

5.2. Traitements social et fiscal pour le jeune travailleur

Le supplément compensatoire n’est pas soumis aux cotisations de sécurité sociale ni au précompte professionnel.

5.3. Traitements social et fiscal pour l’employeur

Le supplément compensatoire est exonéré des cotisations de sécurité sociale patronales. Il peut être déduit sur le plan des frais professionnels sauf si l’employeur bénéficie de l’avantage fiscal de dispense de versement du précompte professionnel.

Comme ce supplément bénéficie de l’avantage fiscal de dispense de versement du précompte professionnel, il pourra être déduit du précompte professionnel que l’employeur doit retenir sur la rémunération imposable du jeune et verser au fisc.

Si le précompte professionnel dû par l’employeur après application d’autres mesures éventuelles de dispense de versement est insuffisant pour déduire le supplément compensatoire, le solde peut être utilisé pour réduire le précompte professionnel retenu du salaire imposable d’un autre travailleur. Si après, il reste toujours une partie de précompte professionnel à ne pas verser, elle peut être reportée aux périodes suivantes et être déduite à ce moment-là. Ce report est uniquement possible dans la même année civile.

6. Revenu mensuel net du jeune

Le montant net que recevra le jeune chaque mois correspond à la rémunération nette réduite augmentée du supplément compensatoire net.

Le calcul à effectuer est assez complexe et doit se faire en plusieurs étapes, de sorte que le coût de mise œuvre de cette mesure affectera son rendement :

Étape 1 :

Rémunération brute non réduite

– ONSS

– PP

– Cotisation ONSS spéciale

= Rémunération nette non réduite

Etape 2:

 Rémunération brute réduite

– ONSS

– PP

– Cotisation ONSS spéciale

= Rémunération nette réduite qui doit être versée au jeune

Étape 3 :

  Rémunération nette non réduite

- Rémunération nette réduite

= Supplément compensatoire net à verser au jeune occupé comme employé

Étape 4 :

Rémunération nette non réduite

- Rémunération nette réduite

+ rémunération brute réduite x 0,82/1,75/2,82 %

= Supplément compensatoire net à verser au jeune occupé comme ouvrier ou artiste

Étape 5 :

Rémunération nette réduite

+ Supplément compensatoire net à verser au jeune

= Rémunération nette totale qui doit être versée au jeune

Étape 6 :

Précompte professionnel retenu sur la rémunération imposable réduite

– supplément compensatoire

Précompte professionnel à verser au fisc.

7. Entrée en vigueur

Le principe du salaire de départ s’applique depuis le 1er mars 2019 et concerne les contrats de travail conclu à partir de cette date. Seule la date où est conclu le contrat compte, et non la date où il commence à s’exécuter : le salaire de départ ne s’appliquera donc pas pour un contrat signé en février 2019, mais qui commence réellement le 1er mars 2019.

Source : Loi du 7 avril 2019 relative aux dispositions sociales de l’accord pour l’emploi, MB du 19 avril 2019.