Peut-on communiquer les motifs d'un licenciement par mail?

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Un travailleur a demandé à son ex-employeur les motifs de son licenciement. L’employeur a répondu par mail. Cette manière de faire est-elle la bonne ?

Les faits

Un employeur a licencié un de ses travailleurs. Le travailleur a ensuite demandé à connaître les motifs de son licenciement, conformément à la CCT no 109. L’employeur a répondu à cette requête par mail. Comme la loi prévoit que l’employeur communique les motifs du licenciement par lettre recommandée, le travailleur a réclamé le paiement d’une amende correspondant à deux semaines de rémunération, en avançant que les motifs du licenciement n’avaient pas été communiqués correctement.

Pour l’employeur, il ne pouvait être question d’une amende, car le but de la loi avait été atteint : le travailleur avait été informé des motifs de son licenciement. L’employeur estimait également qu’il s’agissait d’un abus de droit, car le travailleur réclamait le paiement d’une amende alors qu’il avait bien été informé des raisons de son licenciement.

Qu’en est-il exactement ? Nous rappelons ici les principes…

Demander les motifs d’un licenciement

Un travailleur licencié a le droit de demander les motifs de son licenciement à son ex-employeur. Il doit adresser cette requête par lettre recommandée dans les deux mois qui suivent la fin du contrat de travail. Si l’employeur met fin au contrat moyennant un préavis à prester, le travailleur dispose d’un délai de six mois à partir de la notification du préavis, sans toutefois pouvoir dépasser le délai de deux mois après la fin du contrat de travail.

L’employeur devra ensuite communiquer au travailleur les motifs de son licenciement dans les deux mois qui suivent la réception de la demande. L’employeur est censé avoir reçu la demande du travailleur le troisième jour ouvrable après la date de l’envoi par recommandé.

On considérera que l’employeur a déjà rempli cette obligation s’il a déjà fourni les motifs du licenciement au travailleur de sa propre initiative.

La CCT no 109 sanctionne le non-respect de cette obligation par une amende civile forfaitaire de deux semaines de rémunération.

En communiquant les motifs du licenciement de la bonne façon, l’employeur évitera non seulement de devoir payer une amende civile de deux semaines de rémunération, mais aussi de se voir réclamer une indemnité pour licenciement manifestement déraisonnable. Si l’employeur ne communique pas les motifs du licenciement quand le travailleur les lui demande, il devra prouver que le licenciement est lié au comportement ou aux aptitudes du travailleur, ou aux nécessités de fonctionnement de l’entreprise. Dans le cas contraire, il devra verser au travailleur une indemnité de trois à dix-sept semaines de rémunération pour licenciement manifestement déraisonnable.

Et communiquer les motifs par mail?

Dans le cas décrit dans cet article, toutes les conditions prévues pour communiquer les motifs du licenciement au travailleur ont été remplies, à l’exception de celle voulant que l’employeur envoie sa réponse par lettre recommandée. L’employeur a en effet répondu par mail. Mais ne peut-on pas avancer que le but de la CCT – à savoir informer le travailleur des raisons de son licenciement – a tout de même été atteint ?

Le tribunal du travail de Bruxelles a pourtant décidé qu’une amende correspondant à deux semaines de rémunération était due. Autrement dit, répondre par mail (et non par recommandé) ne suffit pas. Le tribunal déclare que si l’employeur ne communique pas les motifs du licenciement avant que le travailleur les lui demande, la CCT n° 109 continue de s’appliquer et cette dernière précise que l’employeur doit répondre par lettre recommandée. L’employeur a donc été condamné à payer une amende égale à deux semaines de rémunération.

 

Bron: C. Trav. Bruxelles 17 mai 2019, AR 2018/AB/366, Juridat.