Occupation de travailleurs étrangers : renforcement des règles


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Conformément à une directive européenne relative au sujet sous rubrique, le législateur belge a pris quelques mesures permettant d’intensifier sa lutte contre l’occupation illégale de ressortissants de pays tiers (personnes qui ne font pas partie de l’EEE). Ces mesures renforcent les obligations des employeurs et améliorent les droits des ressortissants illégaux de pays tiers.

Nous commentons ci-après ces nouvelles mesures mises en œuvre par la loi du 11 février publiée au Moniteur belge du 22 février 2013. 

Les nouvelles règles sont applicables à partir du 4 mars 2013.

1. Contrôle obligatoire de l’autorisation de séjour

Jusqu’à ce jour, l’employeur qui souhaitait occuper en Belgique des ressortissants de pays tiers devait obtenir au préalable une autorisation d’occupation. Le travailleur, pour sa part, devait être en possession d’un permis de travail. L’obligation d’être en possession d’une autorisation d’occupation / d'un permis de travail fait toutefois l’objet de bon nombre d’exceptions légales qui ne seront pas abordées dans le présent article.

La nouvelle loi prévoit un certain nombre de nouvelles obligations. L’employeur désireux d’occuper un ressortissant d’un pays tiers doit vérifier au préalable si celui-ci dispose d’une autorisation de séjour valable ou d’un autre titre de séjour valable en Belgique. En outre, l’employeur doit tenir, au moins pendant la durée de l’occupation, une copie ou les données du titre de séjour ou d’une autre autorisation de séjour. Enfin, l’employeur doit également déclarer l’entrée et la sortie de service du ressortissant de pays tiers au moyen des déclarations Dimona - Limosa.

Le non-respect de ces obligations sera puni d’une sanction de niveau 4 prévue au code social pénal, c'est à dire une peine d’emprisonnement de 6 mois à trois ans et/ou une amende pénale de 600 à 6.000 EUR ou une amende administrative de 300 à 3.000 EUR. Les amendes sont à multiplier par les décimes additionnels (x6) et par le nombre de travailleurs concernés. En plus des sanctions précitées, le juge peut également imposer une interdiction d’exploitation ou la fermeture de l’entreprise pour une durée de 1 mois à 3 ans.

Les mêmes sanctions seront infligées s’il s’avère que les documents de séjour sont faux et qu’il est prouvé que l’employeur en avait connaissance.

2. Paiement et protection de la rémunération encore due

L’employeur qui occupe un travailleur illégal est tenu de payer à celui-ci une rémunération qui doit être équivalente à celle qu’il est tenu de payer à un travailleur occupé légalement dans le cadre d’une relation de travail comparable. En outre, il est tenu de payer les cotisations sociales et les impôts, y compris les pénalités de retard et les éventuelles amendes administratives.

Dans ce cadre, il importe de noter qu'il existe une présomption réfutable que le ressortissant de pays tiers qui réside illégalement en Belgique est censé y avoir travaillé pendant au moins trois mois. Autrement dit, à défaut de preuve du contraire, l’employeur concerné sera susceptible d’avoir à payer la rémunération et les cotisations sociales et impôts afférents pour une durée de trois mois.

Les frais éventuels résultant de l’envoi des rémunérations encore dues dans le pays dans lequel est rentré ou a été renvoyé le ressortissant d’un pays tiers sont à charge de l’employeur. Si l’adresse postale et les données relatives au compte bancaire ou de chèques du ressortissant de pays tiers illégal postaux sont inconnues de l’employeur, ce dernier verse la rémunération qu’il n’a pas encore payée au compte de chèques postaux de la Caisse des Dépôts et Consignations par virement. Cette dernière conserve la rémunération durant 30 ans.

3. Responsabilité solidaire du paiement de la rémunération due en cas de sous-traitance

La loi relative à la protection de la rémunération introduit un nouveau système de responsabilité solidaire du paiement de la rémunération aux travailleurs étrangers illégaux.

3.1. Responsabilité solidaire des entrepreneurs

Il s’agit en l’occurrence de l’hypothèse selon laquelle des travaux sont exécutés par des entrepreneurs et des sous-traitants et que le sous-traitant ne paie pas ou pas entièrement la rémunération due à son travailleur étranger illégal. Il faut distinguer la situation dans laquelle il y a un lien direct entre l’entrepreneur (intermédiaire) et le sous-traitant et celle où il n’y a pas ce lien.

a. Lien direct entre les entrepreneurs

Chaque entrepreneur ou sous-traitant (entrepreneur intermédiaire) est solidairement responsable du paiement de la rémunération encore due par le sous-traitant direct.

Ils pourront échapper à cette responsabilité solidaire s’ils sont en possession d’une déclaration écrite dans laquelle leur sous-traitant direct certifie qu’il n’occupe pas et n’occupera pas de ressortissant d’un pays tiers en séjour illégal.

En dépit de cette déclaration écrite, l’entrepreneur (intermédiaire) sera responsable solidairement dès qu’il est au courant du fait que son sous-traitant direct occupe des ressortissants d’un pays tiers en séjour illégal.

b. Absence d’un lien direct entre les entrepreneurs

En cas d’existence d’une chaîne de sous-traitants, l’entrepreneur principal et l’entrepreneur intermédiaire, qui ont connaissance du fait que leur sous-traitant indirect occupe un ou plusieurs ressortissants d’un pays tiers en séjour illégal, sont solidairement responsables du paiement de la rémunération encore due par ce sous-traitant indirect et qui concerne les prestations de travail effectuées à leur bénéfice à partir d’une telle connaissance.

3.2. Responsabilité solidaire du donneur d’ordre

Le donneur d’ordre est toute personne physique ou morale qui donne ordre, pour un prix, d’exécuter ou de faire exécuter des activités. Le donneur d’ordre qui a connaissance du fait que son entrepreneur ou les sous-traitants directs ou indirects de celui-ci occupent un ou plusieurs ressortissants d’un pays tiers en séjour illégal est solidairement responsable du paiement de la rémunération encore due en ce qui concerne les prestations de travail effectuées auprès de son bénéfice dans le cadre du contrat qu’il a conclu avec cet entrepreneur.

Cette responsabilité solidaire n’est pas applicable à une personne physique qui fait effectuer des activités à des fins privées exclusivement. Donc vous n’avez rien à craindre lorsqu’en qualité de personne physique, vous avez recours à un entrepreneur pour la construction d’une habitation privée.

3.3. Notification par l’inspection sociale

Les inspecteurs sociaux peuvent informer par écrit les entrepreneurs et donneurs d’ordre ci-avant du fait que leur(s) sous-traitant(s) direct(s) ou indirect(s) occupe(nt) un ou des ressortissants de pays tiers en séjour illégal.

Une copie de cette notification est transmise à l’employeur concerné qui est tenu de l’afficher sur le lieu où sont occupés les ressortissants de pays tiers en séjour illégal. Si l’employeur ne s’acquitte pas de cette obligation, il incombe au responsable solidaire d’afficher la notification.

En tout cas, cette notification est la preuve que le responsable solidaire est au courant de l’occupation de ressortissants de pays tiers en séjour illégal, ce qui, de toutes façons, met en cause sa responsabilité solidaire.

3.4. Sanctions

Le responsable solidaire qui ne paie pas la rémunération encore due est puni d’une sanction de niveau 2 du code social pénal, soit une amende pénale de 50 à 500 EUR ou une amende administrative de 25 à 250 EUR.

Il peut également être puni d’une sanction de niveau 4 (voir ci-dessus) si ses entrepreneurs ou sous-traitants occupent des ressortissants de pays tiers en infraction à ces nouvelles obligations (voir point 1 ci-dessus). Cette responsabilité pénale fonctionne à l’instar de la responsabilité solidaire dont question ci-dessus.

Les amendes doivent être majorées des décimes additionnels (x6) et multipliées par le nombre de travailleurs illégaux concernés.

4. Aide au dépôt de plaintes

Afin de sauvegarder ses droits, le ressortissant de pays tiers en séjour illégal qui est ou était occupé en Belgique peut bien sûr faire lui-même les démarches en justice nécessaires à cette fin. En outre peuvent désormais également intervenir dans ce domaine les organisations syndicales, les organisations des employeurs ainsi que le Centre pour l’égalité des chances et la lutte contre le racisme, sans que le ressortissant de pays tiers doive les mandater à cet effet. Ils peuvent donc également invoquer la responsabilité solidaire dont question ci-dessus.

 

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