Les faux indépendants et la loi relative aux relations de travail : nouvelles dispositions

article image
59435

Les faux indépendants sont des personnes qui bon gré mal gré adoptent le statut de travailleur indépendant alors qu’en réalité, elles exercent leur activité professionnelle sous l’autorité de leur cocontractant, donc en qualité de travailleur salarié.

Par la loi-programme du 27 décembre 2006 relative à la nature des relations de travail (dénommée ci-après la loi des relations de travail), le législateur a voulu mettre fin à l’insécurité juridique lorsqu’il s’agissait de qualifier des relations de travail comme un contrat de travail (parce qu’il y a un lien de subordination entre le commettant et l’exécutant) ou comme une collaboration sur une base indépendante (en l’absence de ce lien de subordination).

1. Critères

  1. La loi des relations de travail a fixé un certain nombre de critères généraux devant permettre de déterminer si une personne fonctionne comme travailleur salarié ou comme travailleur indépendant.

    Ces critères sont au nombre de quatre :

    1.   la volonté des parties de coopérer sur une base indépendante ou non ;

    2.   la liberté d’organisation du temps de travail ;

    3.   la liberté d’organisation du travail ;

    4.   la possibilité d’exercer un contrôle hiérarchique.

    D’autres critères, tels que le fait d’avoir un seul commettant, une indemnité fixe, l’utilisation du matériel du commettant et le fait de travailler au sein de son entreprise, le titre du contrat, l’inscription à la BCE ou à la TVA,… ne sont donc pas des critères qui permettent aux parties de considérer leur contrat comme une relation entre indépendants ou comme un contrat de travail.

    Examinons plus en détail ces quatre critères.

    1.   La volonté des parties de collaborer ou non sur une base indépendante 

    Les parties choisissent librement la nature de leur relation de travail mais la manière dont le contrat est exécuté doit correspondre à la nature de la relation de travail. La dénomination du contrat ne coïncide pas nécessairement avec la qualification juridique du contrat. La volonté des parties est décisive et la réalité l’emporte sur la fiction.

    2.   La liberté d’organisation du temps de travail

    L’obligation de se conformer à un horaire précis et contraignant, ne pas pouvoir choisir librement ses jours de congé et ses vacances, l’obligation de devoir justifier ses absences, de pointer, de devoir avertir en cas d’absence,… sont des indications de l’existence d’un contrat de travail. Il s’agit aussi bien des aspects du travail relatifs à son contenu que ceux relatifs à son organisation.

    L’obligation de travailler pendant certaines plages horaires ou de travailler dans des horaires fixes n’est pas suffisante pour conclure à l’existence d’un lien de subordination car cela peut être imposé pour des motifs d’ordre organisationnel ou commercial. Il en est de même en ce qui concerne l’obligation de justification de l’emploi du temps. Inversement, l’autonomie importante sur plan de l’emploi du temps de travail n’empêche pas qu’il puisse exister un contrat de travail (par exemple une personne occupant une fonction dirigeante).

    3.   La liberté d’organisation du travail

    Lorsque le commettant doit systématiquement donner des instructions précises à l’exécutant en ce qui concerne ce qui doit être fait et la manière selon laquelle cela doit être fait, il ne peut plus être question de liberté d’organisation du travail. Les compétences professionnelles insuffisantes de l’exécutant peuvent nécessiter de telles instructions. Des instructions d’ordre général n’ont pas ce caractère.

    Pour autant que l’exécutant soit uniquement investi d’une obligation de résultat, il est permis d’imposer des obligations et de donner des instructions si celles-ci sont indispensables pour atteindre le résultat souhaité, par exemple la bonne direction opérationnelle de la société. Dans ce cadre, la rédaction de rapports et l’établissement de feuilles de route peuvent être compatibles avec une collaboration sur une base indépendante. Le fait que certaines obligations soient inhérentes à l’exercice d’une profession ne suffit pas en soi à qualifier adéquatement une relation de travail (par exemple l’horaire de service d’un hôpital).

    4.   La possibilité d’exercer un contrôle hiérarchique

    Le contrôle hiérarchique est incompatible avec la collaboration indépendante car il témoigne de l’existence d’un contrat de travail. Le contrôle hiérarchique suppose l’exercice de l’autorité patronale, c’est-à-dire le contrôle effectué par l’employeur sur le zèle au travail du travailleur (afin de contrôler si le travailleur a fait ce qui lui a été demandé, s’il a fait son travail convenablement, s’il s’est présenté au travail aux heures convenues, s’il a justifié ses absences, s’il s’est présenté au poste de travail lui désigné, si les sanctions prévues par le règlement de travail sont applicables au travailleur). Le contrôle de la qualité est compatible avec une collaboration indépendante (qualité du travail presté) et il vise le produit du travail et non pas le zèle au travail.

    2. Nouveaux critères pour certains secteurs

La loi des relations de travail prévoit aussi la possibilité d’introduire par arrêté royal des critères spécifiques pour certains secteurs, professions, catégories de professions ou d’activités professionnelles. La procédure à suivre à cet effet a maintenant été simplifiée.

Une loi du 25 août 2012 (M.B. du 11/09/2012) a apporté des modifications à la loi des relations de travail en instaurant pour certains secteurs une présomption réfragable d’existence d’un contrat de travail ou d’un contrat de collaboration indépendante.

Cette loi vise les 4 secteurs suivants :

1.   le secteur de la construction,

2.   le secteur du gardiennage,

3.   le secteur du transport,

4.   le secteur du nettoyage.

Pour ces secteurs, une liste de 9 critères qui peuvent être indicatifs de l’existence d’un contrat de travail a été dressée :

1.   défaut d’un risque financier ou économique, tel que c’est notamment le cas :

  • à défaut d’investissement personnel et substantiel dans l’entreprise avec du capital propre ;
  • à défaut de participation personnelle et substantielle dans les gains et les pertes de l’entreprise ;

2.   défaut de responsabilité et de pouvoir de décision concernant les moyens financiers de l’entreprise ;

3.   défaut de pouvoir de décision concernant la politique d’achat de l’entreprise ;

4.   défaut de pouvoir de décision concernant la politique des prix de l’entreprise ;

5.   défaut d’obligation de résultat concernant le travail conven u;

6.   garantie du paiement d’une indemnité fixe quels que soient les résultats de l’entreprise ou le volume des prestations dans le chef de l’exécutant des travaux ;

7.   ne pas être soi-même l’employeur de personnel recruté personnellement et librement ou ne pas avoir la possibilité d’engager du personnel ou de se faire remplacer pour l’exécution du travail convenu ;

8.   ne pas apparaître comme une entreprise vis-à-vis d’autres personnes ou de son cocontractant ou travailler principalement ou habituellement pour un seul cocontractant ;

9.   travailler dans des locaux dont on n’est pas le propriétaire ou le locataire ou avec du matériel mis à sa disposition, financé ou garanti par le cocontractant.

Lorsque plus de la moitié des critères précédents est remplie dans une relation de travail, celle-ci est présumée être exécutée dans les liens d’un contrat de travail.

La présomption peut être renversée par toutes voies de droit et notamment sur la base des 4 critères généraux ci-dessus. Toutefois, la présomption n’est pas applicable aux relations de travail familiales. Par relations de travail familiales, on entend les relations entre des parents et des alliés jusqu’au troisième degré inclus et entre des cohabitants légaux ou des relations de travail entre une société et une personne physique, celle-ci étant un parent ou un allié jusqu’au troisième degré inclus ou un cohabitant légal soit de celui qui à lui seul, soit de ceux qui ensemble, détiennent plus de 50% des actions de la société en question.

Le Roi peut, après avoir sollicité l’avis des instances intéressées et des commissions paritaires compétentes, élargir ou réduire la liste des secteurs concernés. 

Ces nouvelles dispositions entrent en vigueur le 21 septembre 2012, c’est-à-dire 10 jours après leur publication au Moniteur Belge et au plus tard le 1er janvier 2013 !

3. Commission de ruling

La loi des relations de travail a également prévu l’institution d’une Commission de la relation de travail. Cette commission se composait d’une chambre normative et d’une chambre administrative. Comme la chambre normative a été supprimée, il ne faut pas s’y attarder.

La chambre administrative, elle, a été maintenue et celle-ci a pour mission de prendre des décisions en rapport avec la qualification de certaines relations de travail et ses décisions sont en principe obligatoires pour les institutions et les caisses d’assurances sociales (= ruling).

A la suite de la suppression de la chambre normative, la commission a pris la dénomination de Commission administrative de règlement de la relation de travail. Elle travaillerait également aujourd’hui selon une procédure simplifiée.

Mais comme, à ce jour, elle ne fonctionne pas encore, il n’est pas question de ruling.

Ces nouvelles dispositions entrent en vigueur le 21 septembre 2012, c’est-à-dire 10 jours après leur publication au Moniteur Belge et au plus tard le 1er janvier 2013 !