Focus sur l’utilisation des dashcams

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Depuis quelques années, les dashcams se répandent de plus en plus dans les véhicules. A ce jour, aucune réglementation spécifique n’encadre cependant leur utilisation. Dès lors, en fonction de l’usage qui en est fait, l’employeur sera soumis soit au RGPD, soit à la loi réglant l'installation et l'utilisation de caméras de surveillance.


1. Une dashcam ?

Une dashcam, de l’anglais dashboard camera (caméra de tableau de bord), est une petite caméra embarquée dans un véhicule qui est fixée sur le tableau de bord ou sur le pare-brise. Elle est utilisée principalement pour filmer le point de vue du conducteur (vision de la route) tout au long de son parcours. Suivant les modèles, la dashcam peut filmer l’intérieur de l’habitacle en même temps.

2. Position de l’Autorité de protection des données sur l’utilisation des dashcams

L’Autorité de protection des données (ci-après, APD) opère une distinction suivant que la dashcam est utilisée dans un but récréatif, à des fins de preuve en cas de collision ou dans l’habitacle d’un taxi.

2.1. Utilisation dans un but récréatif

L’APD considère que lorsqu’une personne utilise une dashcam pour filmer la route lors de ses vacances, le RGPD ne s’applique pas si les enregistrements sont utilisés uniquement pour des finalités personnelles ou domestiques (visionner les images seul ou dans le cercle familial). Ce n’est que si la personne rend les images publiques (en les diffusant sur Internet ou en les partageant avec un nombre important de personnes) que le RGPD sera appliqué et que la personne concernée devra respecter les obligations découlant du règlement, notamment respecter le principe de proportionnalité et l’obligation d’information, la mise en place de mesures de sécurité et la tenue d’un registre d’activités de traitement.

2.2. Utilisation à des fins de preuve en cas de collision

Si la finalité de la dashcam est de collecter des preuves en cas de collision, l’APD précise qu’il s’agit alors de données à caractère personnel judiciaires. En principe, le traitement de telles données est interdit par le RGPD. Cette interdiction connaît toutefois des exceptions parmi lesquelles se trouve le traitement effectué par des personnes physiques ou morales pour la gestion de leurs propres contentieux. Dans ce cas, l’utilisation d’une dashcam est possible pour autant que les dispositions du RGPD soient respectées. Le propriétaire de la dashcam, qui est considéré comme responsable du traitement, devra entre autres:

- respecter le principe de proportionnalité : par exemple, en effaçant les images le soir si aucun incident ne s’est présenté pendant la journée ;

- répondre à l’obligation d’information : le conducteur doit informer la partie adverse, dès le premier contact, de la présence de la dashcam et du fait que les images de la collision ont été enregistrées ;

- prendre les mesures de sécurité nécessaires ;

- tenir un registre d’activités de traitement.

2.3. Utilisation dans l’habitacle d’un taxi

Lorsque, pour des raisons de sécurité, une compagnie de taxis installe une dashcam dans un taxi pour en filmer l’intérieur (entre autres pour prévenir le vandalisme, le vol ou pour renforcer la sécurité des chauffeurs), cette dashcam est considérée comme une caméra de surveillance fixe (même si le véhicule est en mouvement, le lieu surveillé, c’est-à-dire l’intérieur du véhicule, est toujours le même) dans un lieu fermé accessible au public. Dans ce cas, la loi du 21 mars 2007 réglant l’installation et l’utilisation de caméras de surveillance (ci-après, loi caméras) s’applique.

3. Utilisation des dashcams dans le cadre d’une relation de travail 

3.1. CCT n°68 ? RGPD ? Loi caméras ?

Aucune réglementation spécifique n’est prévue concernant l’utilisation des dashcams. Ces dernières sont considérées comme ne relevant pas du champ d’application de la CCT n°68. En effet, la CCT n°68 s’applique à « tout système de surveillance comportant une ou plusieurs caméras et visant à surveiller certains endroits ou certaines activités sur le lieu de travail à partir d’un point qui s’en trouve géographiquement éloigné dans le but ou non de conserver les images dont il assure la collecte et la transmission ». Les caméras embarquées ne sont donc pas incluses dans cette définition.

Comme il ressort de la distinction opérée par l’APD, le RGPD et/ou la loi caméras trouveront donc à s’appliquer lorsque l’employeur a recours à cette technologie.

3.2. RGPD

L’employeur doit veiller à respecter les principes fondamentaux de licéité, finalité, proportionnalité et transparence édictés par le RGPD lorsqu’il traite des données à caractère personnel collectées suite à l’utilisation d’une dashcam.  

3.2.1. Licéité

Pour que le traitement des données effectué par l’employeur soit licite, il est nécessaire d’identifier son fondement légal. En matière d’utilisation de dashcam, les fondements légaux suivants sont envisageables :

- le consentement du travailleur : dans ce cas, un écrit individuel contenant toutes les informations pertinentes quant au traitement est requis. Cela peut se faire via l’insertion d’une clause particulière dans le contrat de travail ou par la signature d’une convention annexe au contrat de travail.

- la réalisation de l’intérêt légitime poursuivi par l’employeur : des finalités telles que la collecte d’images pour produire des preuves en cas de collision ou le contrôle du travailleur semblent admissibles en ce qu’elles sont nécessaires à la réalisation de l’intérêt légitime de l’employeur.

3.2.2. Finalité

La dashcam ne peut être utilisée que lorsque les objectifs de son installation sont clairement définis. Les finalités suivantes pourraient être invoquées :

- le contrôle du travailleur : le contrôle du comportement au volant du travailleur qui passe la majeure partie de son temps sur la route ou dont le véhicule porte de manière visible le logo de l’entreprise pourrait aussi être justifié notamment lorsqu’il existe des indices que ce comportement ne respecte pas les valeurs de l’entreprise.

- la sécurité du travailleur ou du véhicule : certaines dashcams permettent une géolocalisation par GPS. Dans un secteur d’activité sensible, la géolocalisation via la dashcam permettrait de localiser le véhicule du travailleur et de pouvoir lui venir en aide en cas de besoin. En outre, en cas de vol du véhicule, des informations pourraient être transmises aux services de police afin de faciliter leur intervention.

- la production de preuves en cas de collision : il est justifié qu’un employeur puisse, comme un particulier, produire des images de dahscam comme éléments de preuve à son assureur ou devant les cours et tribunaux.

L’employeur devra toutefois être vigilant lorsqu’il détermine la finalité. En effet, les images ne pourront pas être utilisées à des fins autres que celles pour lesquelles elles ont été initialement collectées : si les images sont collectées pour documenter d’éventuels incidents, elles ne peuvent, en principe, pas être utilisées par la suite pour analyser le comportement de conduite du travailleur.

3.2.3. Proportionnalité

L’employeur ne peut utiliser la dashcam d’une manière incompatible avec la finalité qu’il aura déterminée. Son utilisation doit donc être adéquate, pertinente et nécessaire au regard de la finalité poursuivie.

 Il est généralement considéré que lorsque la finalité vise le contrôle du travailleur, un contrôle permanent constitue une intrusion disproportionnée dans la vie privée du travailleur.

Quant à la finalité relative à la production de preuves en cas de collision, il est souvent considéré que :

- seules les images doivent être enregistrées et pas le son ;

- les images doivent être supprimées le jour même lorsqu’aucun accident ne s’est produit.

3.2.4. Transparence

Le travailleur dans la voiture duquel est installée une dashcam doit être informé préalablement du fait que la caméra embarquée a été installée, ce qu’elle filme, quand elle filme et à quelle fins. L’employeur doit également avertir son travailleur de la durée de conservation des images et de son droit d’y accéder et, le cas échéant, de les faire rectifier.  

Il est conseillé de centraliser toutes ces informations dans le règlement de travail. 

A noter que si l’utilisation d’une dashcam remplit les conditions pour être considérée comme l’introduction d’une nouvelle technologie au sens de la CCT n°39, une information et une concertation du conseil d’entreprise seront nécessaires.

3.3. Loi caméras

Lorsque l’employeur utilise la dashcam à l’intérieur du véhicule pour prévenir le vandalisme ou le vol ou pour accroître la sécurité de son travailleur et que des tiers peuvent être filmés, la loi caméras trouve à s’appliquer. Dans ce cas, l’employeur devra respecter certaines obligations découlant de cette législation :

-  déclarer la dashcam auprès des services de police via le site www.declarationcamera.be, au plus tard la veille de la mise en service,  ;

- tenir un registre des activités de traitement d’images, dès l’entrée en service de la caméra embarquée ;

- apposer un pictogramme à l’entrée du lieu surveillé, dès l’entrée en service de la caméra embarquée.

4. Que retenir en pratique ?

L’employeur qui utilise des dashcams dans les voitures mises à disposition de ses travailleurs doit fixer les conditions de leur utilisation dans le règlement de travail et ce, afin de se conformer au RGPD.

Pour recueillir le consentement du travailleur, un accord individuel est nécessaire.

Dans certains cas (cf. point 3.3), l’employeur doit déclarer la dashcam sur le site www.declarationcamera.be et répondre aux autres obligations de la loi caméras.

 

Sources :

www.autoriteprotectiondonnees.be

www.besafe.be