Dispense partielle de versement du précompte professionnel : le fisc n’est pas lié par ses propres FAQ et circulaires contradictoires !

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Depuis le 1er juillet 2004, la législation fiscale permet un allégement des charges patronales pour le travail en équipe (qu’il s’agisse ou non de travaux immobiliers), pour le travail de nuit et pour la navigation en système. Les employeurs qui appliquent cet allégement des charges patronales en fixant la norme du tiers sur une base journalière prennent un risque (calculé). Les plus prudents calculeront donc la norme du tiers sur une base horaire.


Depuis le 1er juillet 2004, la législation fiscale permet un allégement des charges patronales pour le travail en équipe (qu’il s’agisse ou non de travaux immobiliers), pour le travail de nuit et pour la navigation en système.
Cette mesure se concrétise par une dispense partielle de versement du précompte professionnel : au lieu de reverser au fisc la totalité du précompte retenu, l’employeur peut en conserver une partie. Le travailleur, quant à lui, ne remarque rien de cette opération. L’employeur peut ensuite disposer librement de la somme qu’il aura gardée.

Pour bénéficier de cette mesure, plusieurs conditions doivent être respectées, notamment la « norme du tiers », qui veut que le travailleur ait été occupé au moins un tiers de son temps de travail dans un régime de travail en équipe, de travail de nuit ou de navigation en système au cours du mois concerné.

La législation ne clarifie que partiellement la méthode à suivre pour vérifier cette condition qui, selon toute logique, devrait se calculer en heures. Dans sa FAQ, ainsi que dans ses circulaires 2019/C/42 et 2020/C/38, le SPF Finances prévoit pourtant une possibilité de choisir entre un calcul en heures ou un calcul en jours. Toutefois, un calcul en jours, moins précis qu’un calcul en heures, n’est pas explicitement repris dans la législation.

Jurisprudence : Le SPF n’accepte pas (toujours) un calcul en jours !

En 2015, une chaîne de magasins a demandé au SPF Finances une dispense partielle de versement (de précompte professionnel ) pour du travail de nuit entre 2011 et 2014. Suite à l’absence de décision du SPF, la chaîne a lancé une procédure judiciaire. Le tribunal de première instance a accordé la dispense de versement, mais en appliquant la norme du tiers sur une base horaire. L’employeur estimait cependant avoir droit à une dispense plus importante, en calculant cette norme sur une base journalière et a interjeté appel.
Le SPF s’est opposé à ce point de vue, en argumentant qu’un calcul sur une base journalière pouvait conduire à des situations anormales où, par exemple, le fait de prester deux heures la nuit (comme dans un shift de 4 heures à 12 heures) pouvait entraîner le comptage d’une journée entière.

Le SPF adopte ici une attitude assez particulière, étant donné qu’il propose explicitement dans sa propre FAQ un calcul en jours. La cour a toutefois rejeté cette méthode de calcul. Les éléments repris dans la FAQ n’ont en effet aucune valeur s’ils sont en contradiction avec la législation, peu importe qu’ils soient favorables ou défavorables au contribuable. Le SPF Finances n’est donc pas lié à ces dispositions. Selon la cour, le SPF doit respecter la loi et ne dispose pas de la liberté de renoncer à percevoir des impôts légalement dus.

Une erreur du SPF ?

Il ressort de l’arrêt que le SPF a admis que la FAQ était inexacte sur ce point. La chaîne de magasins pourrait-elle dès lors réclamer un dédommagement à l’État, en invoquant le fait que la FAQ estimait un calcul en jours possible, alors que le tribunal a jugé le contraire ?

On peut déduire de l’arrêt qu’un dédommagement est possible en principe, mais dans ce cas précis, rien n’a été accordé. La cour avance en effet que la demande de régularisation concerne la période 2011-2014, alors que la FAQ et les circulaires sont parues plus tard.
Un dédommagement aurait peut-être été accordé si le différend avait porté sur des périodes postérieures au 9 septembre 2015 (date de publication de la FAQ).

 

À retenir : le calcul en jours comporte un risque (calculé)

Les employeurs qui appliquent la dispense de versement partielle pour le travail en équipe, le travail de nuit et la navigation en système en fixant la norme du tiers sur une base journalière prennent un risque (calculé) : lors d’un contrôle, le SPF pourrait en effet annuler l’ allégement fiscal fixé sur cette base.
Les plus prudents calculeront donc la norme du tiers sur une base horaire. C'est également la méthode de calcul par défault appliquée par Group S. Group S n'appliquera jamais la norme du tiers sur une base journalière.

Ce n’est par ailleurs pas la première fois que le SPF Finances joue sur l’illégalité de ses propres circulaires et directives en cas de litiges. L’arrêt nous rappelle donc qu’il ne faut pas considérer leur contenu comme immuable.

NB : à l’heure où nous rédigeons cet article, la FAQ n’a visiblement pas (encore) été adaptée et précise toujours que l’employeur peut choisir de fixer la norme du tiers sur une base horaire ou sur une base journalière.

Source : arrêt de la Cour d’appel de Mons, 21 octobre 2020, numéro de rôle 2018/RG/203.